lundi 26 janvier 2015

MondialiTATI





Je suis heureuse de pouvoir montrer ces sérigraphies, et de vous en parler, parce-qu'elles sont comme le pivot d'un travail entamé il y a plusieurs mois. Je ne pense pas que ces travaux soit un accomplissement mais une consolidation de ma manière de penser et de faire.


A gauche c'est «Mondialitati», tout à droite «Serpillière», et au milieu, ça n'a pas de nom, c'est un exercice. Suite à une erreur d'insolation, l'écran était dégradé et donc inutilisable pour une bonne impression, j'ai commencé à le nettoyer, furax de mon erreur, et là j'ai pensé que cet acte destructif, la trace imprévisible que laisser le karscher sur l'écran pouvait être incorporé à l'image ratée, et elle-même imprimée.


* le processus est décrit en détail dans cet article où je présente les sérigraphies en cours de réalisation.



MondialiTATI, sérigraphie, format 100x65 sur bristol



Cette sérigraphie a été réalisée sans image, elle a été insolé à vide. Par le passage de l'eau et du produit qui permet de nettoyer l'écran, on obtient une forme aléatoire, comme une macule qui produit de l'image sans volonté de composer. Je l'ai nommé "Mondialitati" car elle renvoie l'image d'une mappemonde (alors alors la prépondérance des States sur l'Amérique du Sud, la liquéfaction de l'Europe, le timide redressement de l'Afrique, l'énormité du bloc Asiatique, le grand flou de l'Orient, waouh ouh). Une carte du monde n'est pas et n'a jamais été un élément neutre et objectif de cartographie - il y impact politique à savoir comment on représente le monde, ce qui est dessus, ce qui est dessous et à quelle échelles. Les images comptent, et il faut savoir comment elles sont fabriquées.


Le mot macule, qui peut désigner une salissure, une souillure, une tache ; aussi une sorte de feuille intercalaire faisant office de buvard dans le vocabulaire de l'imprimerie. Alexander Cozens utilise également ce terme dans Nouvelles méthodes pour assister l'invention dans le dessin de compositions originales de paysages en désignant un dessin préparatoire composé de taches : «Un macule est un produit du hasard rectifié par un peu de dessin [...] la macule n'est pas un dessin, mais un assemblage de formes accidentelles à partir duquel un dessin peut être réalisé.»


Les trois bandes verticales de couleur peuvent aussi renvoyer à l'image d'un drapeau, et elles amènent aussi l'idée d'un balayage de l'écran semblable à celui d'un écran télévisé.




Sans titre (serpillière), CMYK, format 70x50 sur Fabriano Bianco, 10 copies



La serpillière est un objet ingrat, un objet rebut dès le départ. J'ai adoré cet objet en le voyant tout neuf, la fibre parfaitement tissée mécaniquement. Elle était grise d'apparence mais en la regardant de très très près, en le scannant, on découvrait ce qui n'était pas visible à l'oeil nu, des fibres de tissu coincées, par petites touches. J'ai utilisé la quadrichromie pour réaliser cette image parce-qu'il y un lien essentiel entre la façon dont la serpillière est tissée, et le décalage produit par impression de la trame ; la sérigraphie entend le multiple, la reproduction, et parfois une dégradation dans cette reproduction. Et non l'objet précieux, mais le mécanique, le territoire de la machine et de la fabrique d'images.


« Réfléchissons par comparaison. Qu'est-ce que l'essence d'un pantalon (s'il en a une ? Certainement pas cet objet apprêté et rectiligne que l'on trouve sur les cintres des grands magasins ; plutôt cette boule d'étoffe chue par terre, négligemment, de la main d'un adolescent quand il se déshabille, exténué, paresseux, indifférent. L'essence d'un objet a quelque rapport avec son déchet : non pas forcément ce qui reste après qu'on en a usé, mais ce qui est jeté hors de l'usage. »


Non multa sed multum, préface de Roland Barthes pour le catalogue raisonné des oeuvres sur papier de la période 1973-1976 de Cy Twombly, à l'initiative d'Yvon Lambert. 








à bientôt - see you soon - bis bald !

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