Demi-heure d'évaluation
Plusieurs
semaines suivent, et j'en étais resté à un archer qui ne sait pas quoi
viser - voire l'article précédent (sympathique personnage au gilet de
berger).
Voici... la mise en espace de mes évaluations de fin de 2ème année aux beaux-arts de Toulouse ! Quelle ... !
Aux beaux-arts, nous avons deux mises en espace par an qui comptent
pour l'essentiel de nos crédits et donc de notre passage en année
supérieure. Nous avons plus ou moins de temps pour nous installer (on
s'arrange entre nous, ça va d'une demi-heure, une heure, jusqu'à une
après-midi). Puis un jury de quatre professeurs de l'école dialogue avec
l'élève pendant 30 minutes.
J'écris cet article histoire de ranger ça de côté, en écrivant noir sur blanc l'essentiel de ce que j'avais à dire sur mes boulots. Je vais divaguer, dur de faire court. J'étais très réticente, aux débuts de mes études d'art, sur quoi ou comment parler de mes travaux. Le "pourquoi tu as fait ça" est la mauvaise question.
⁂
Dans un premier temps, cinq sérigraphies. Le titre, «Nouvelles éoliennes».
Au début «Nouvelles éoliennes», c'était juste le nom du motif qui a été répété, il devait exister tout seul. J'en ai déjà parlé dans cet article. J'ai mis en forme ce motif par différentes combinaisons de photos, retravaillées, découpées, collées. Des combinaisons, un processus de combinaison, une mécanique graphique. Le mot mécanique est important. Je l'entend au sens de combinaison d'éléments destinés à produire, transmettre un mouvement, une combinaison de forces qui concourent à créer une action.
Pour en venir vraiment au tout début début de mon... inspiration, peut-être,... inspiration est un grand mot. Il sous-entend trop qu'il suffit d'attendre et que la magie de l'inspiration va nous tomber dessus. Ca répond trop vite à la question "D'où viennent les idées ?". Pour un coup, elle ne m'est pas tombée dessus, l'idée, je l'ai cherché. Dans le livre La misère du monde de Pierre Bourdieu, une phrase m'avait marqué : « Là où les revenus sont insuffisants et irréguliers, il devient nécessaire d'exploiter les amis et les parents ». Je voyais dans cette phrase, comme une sorte de mécanique implacable, une fatalité énorme, un destin. Et là ce n'est plus la mécanique qui crée une action, mais le mauvais engrenage, ce qui se fait sans l'aide de la réflexion et de la volonté, rappelant le fonctionnement d'une machine. La mécanique morte, qui broie les êtres entre eux, par eux et contre eux. Cette phrase ne résume rien le livre et tout le travail de Pierre Bourdieu, elle le simplifie même à l'extrême, le contredit. Il y un terme en sociologie, l'habitus, qui désigne les manières d'être communes à des personnes d'un même groupe social, acquis par l'éducation. Mais cette habitus n'est pas déterministe. Pierre Bourdieu insiste sur le fait que la manière dont se manifeste l'habitus est imprévisible, innovante, qu'elle ne constitue en rien un destin. Il dit qu'on a tort de considérer l'habitude comme répétitive, mécanique, reproductrice, alors qu'elle est productrice.
Je me souviens maintenant exactement comment les choses sont venues. Mon copain regardait un documentaire, Les secrets de l'épée Viking. Une épée qui s'appelle l'Ulfberht, forgées dans les années 1000, portées par l'élite des Vikings). On n'a pas réussi à forger une épée de cette qualité avant l'ère industrielle en Europe. Et il y avait un homme, Richard Furrer, un forgeron qui a réussi à en refaire une, il y a quelques années. Un moment du documentaire m'a marqué, ils allaient dans une usine ArcelorMittal pour tester la résistance de l'acier, sur des machines que je n'avais encore jamais vu, des machines de traction, qui testent la résistance à la rupture d'un dit-matériau. Ces machines m'ont fascinées. Comme si j'avais dû attendre de les voir pour comprendre quelque-chose. Et c'est en voyant ces machines que je repensais au livre de Pierre Bourdieu.
Ensuite. Les bandes noires ? Les bandes noires. Bon, vous voyez ce motif là, cette forme, cette représentation mécanique (je vomis ce mot maintenant - je l'use ou l'usurpe). J'aurais aimé, pour qu'elle existe vraiment, qu'elle existe à taille... disons 1 mètre 70, sur 60 cm ; taille humaine, c'est. Ca aurait été le pied ! Mais je m'en suis rendue compte trop tard. Alors, j'ai fait autre chose avec mon écran de 60 cm de haut sur 16 cm de haut. La forme est tronquée, recouverte, plongée dans la bande noire qui la recouvre, la précise ou l'encadre. Les bandes noires permettent de structurer le vide, et la forme bouge et circule dans les différentes structures. Les formes sont imitées. Puis limitées. Limitation.... Imitation.... ..... Voyez ?
Il y avait une chose que j'avais omis en sérigraphie. J'étais tellement sûr de mon coup. Si je voulais faire ça en sérigraphie, c'était pour un rendu propre, nickel. J'avais oublié (ou je ne le savais pas encore, vu que j'expérimentais à peine le médium) que la sérigraphie est une source d'échecs et d'inattendus.
Vous voyez ce détail ? L'encre a bavé, et elle n'a pas imprimé sur la moitié de la feuille. C'est parce-que le racle était légérement incurvée et ne pouvait pas presser l'écran. J'ai pas compris de suite, alors j'ai repassé trois fois l'encre (de rage), et pour ça, l'encre a bavé. Et avec le recul, j'aime beaucoup que ça ait raté comme ça.
Pour finir les «Nouvelles éoliennes». (parce-que parler d'un travail, c'est un peu l'achever, dans tous les sens du terme, finalement), je veux parler des couleurs choisies : rouge, bleu, noir, et blanc. Le blanc c'est le vide (ce qui peut être naïf, mais je le dis comme ça pour l'instant). Le noir, ce qui structure le vide. Ce qui est des deux autres couleurs, je reprends et cite totalement Michel Pastoureau (grand spécialiste de la symbolique des couleurs) : le rouge est discret dans la vie quotidienne. C'est un surplus d'information en elle-même. C'est une couleur qui se signale, qui permet de se signaler aux autres. Le bleu, c'est le consensus, la couleur raisonnable, celles qui emportent l'adhésion de tous, la couleurs des grandes organisations mondiales. Et je terminerai sur cette phrase de Michel, «les problèmes de la couleur sont d'abord des problèmes de société» ! Allez, salut ! Suivant.
⁂
J'ai déjà parlé de cette série de photographies, à son début dans cet article. Pour faire les images je suis parti de mots, j'avais cette association de mots notés dans un carnet, qui se contaminent et se rapprochent. C'était des mélanges bizarres, du sel et de la chlorophylle, le sang et le pistil, qui laisse une sensation, comme celle qu'on peut avoir après avoir mangé de la viande et du poisson ensemble. Des mélanges de substances; et ... que dire... c'est amené à s'étendre, comme un dictionnaire. J'aime l'idée de réaliser concrétement un mot par la photographie, c'est à dire qu'on sente la forte présente du mot dans la photographie (vous savez, un peu comme les gens qui dessinent d'après un livre ou pendant la lecture d'un livre, on pressent que c'est du dessin de la littérature), et le fait qu'il y ait une violence dans le fait de désigner une chose, de la saisir, de la montrer.
⁂
Waouh
! Un mec qui court avec des drapeaux ! Quelle processions, quel défilé !
Et un twister ! Fichtre ! Bon, j'ai de moins en moins envie d'écrire,
ce projet là se passe de trop longs commentaires... Il faut que je
reprenne mes grosses craies pour dessiner sur le sol... Sinon, souvenez-vous de ça.
⁂
⁂
à bientôt - see you soon - bis bald !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire